INTERVIEW DE TIARA SETIADE, PROPRIÉTAIRE D’UNE PLANTATION, JAVA, INDONESIE

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INTERVIEW DE TIARA SETIADE, PROPRIÉTAIRE D’UNE PLANTATION, JAVA, INDONESIE

Que représente le cacao pour vous ?

Le cacao est un business. Il permet de créer des emplois et c’est un « gagne-pain » pour de nombreuses personnes ici. Nous sommes dans le business du cacao depuis 1976, année à laquelle mon père a commencé la culture du cacao avec 900 hectares. Il m’a lancé un défi en m’incitant à gérer ma propre exploitation, c'est pourquoi nous avons décidé de commencer avec celle-ci. Cette plantation fait environ 1650 hectares et l'autre fait 900 hectares.

Quel est votre ressenti sur le fait de gérer une plantation aussi importante ?

Pour moi c'est un défi. Ce n'est pas facile et ce n'est pas un travail que quiconque pourrait faire. Je ne conseillerais pas ce travail à une personne qui ne sent pas investi complétement dans le cacao pour faire ce que je fais.

Pourquoi le cacao est-il difficile à cultiver ?

Le cacao n’est pas difficile à cultiver mais il est difficile de maintenir une récolte stable.

Nous aimons beaucoup cette expression qui consiste à dire que le cacao est comme un bébé qui ne grandit jamais. Au départ, vous ne prenez pas conscience des maladies et des parasites environnants, mais comme les personnes qui cultivent le cacao sont nombreuses, les pratiques et l’entretien du cacao varient aussi... c'est une des raisons qui explique l’arrivée des épidémies.

Comment contrez-vous les épidémies/maladies ?

Nous croyons que l’utilisation des produits chimiques est une solution à court terme uniquement. Avec ce type de produits, vous devez être sûrs d’exterminer complètement la maladie ou le parasite, parce qu’il pourrait s’immuniser et vous aurez ensuite besoin d’augmenter la dose ou d’utiliser de nouveaux produits chimiques. Cela ressemble aux antibiotiques.

Nous avons donc décidé que cette pratique ne nous mènerait nulle part et nous avons finalement opté pour une nouvelle approche : il s’agit d’une combinaison de produits chimiques et de composants naturels qui extermine les parasites et maladies.

Quel a été votre plus grand challenge ?

Continuer à être écoresponsable. Nous pouvons nous développer, améliorer nos rendements, mais rester écoresponsable n’est pas une tâche facile. Comme nous le savons, le cycle productif moyen d’un cacaoyer se situe entre 25 et 30 ans. Mais dès lors que nous le coupons et le remplaçons, nous perdons 3 à 6 ans de revenu, ce qui mauvais pour les affaires. Vous devez avoir des rentrées d’argent régulières et suffisantes.

Donc, au lieu de couper les arbres, vous pouvez en réalité  faire de l'ingénierie. Une des possibilités est de greffer un côté de l’arbre avec une jeune branche. L'idée principale est de favoriser le développement des jeunes branches dans un premier temps. L’avantage de cette pratique repose sur la génétique.

Que recommanderiez-vous aux planteurs pour le future ?

Une des recommandations que je souhaite partager avec les planteurs est de ne pas seulement se concentrer sur le rendement, car dans ce cas, il leur faudra ajouter un nombre important de produits chimiques. Cela peut leur permettre d’obtenir de bons comme de mauvais résultats et peut être bénéfique sur le court terme, mais sur le long terme, c’est une autre question qui se pose.

Les pratiques des planteurs sont très souvent mal adaptées, mais personne ne veut l’admettre.  Des pesticides chimiques sont vaporisés et certaines personnes affirment que ce n’est pas un problème car ils permettent d’éradiquer les parasites.  On peut dire que ces pratiques sont correctes, si le dosage et le principe actif le sont également. Si vous allez aujourd’hui chez les planteurs locaux, ils ne connaissent pas les doses adéquates à appliquer. Bien qu’elles soient écrites sur les bouteilles, la mentalité de ces planteurs est très simple; ils pensent qu'une dose plus importante sera davantage bénéfique pour leur plantation.

Dans un second temps, les planteurs peuvent facilement obtenir l'aide du gouvernement, de ce fait, ils ne prennent pas forcément leur métier au sérieux. Un planteur peut très bien avoir du succès alors que les plantations voisines peuvent aller très mal, pour moi, c’est une perte de temps. Il est difficile de contrôler ce qu’il en est réellement. Le gouvernement devrait  mettre en place des règles au lieu d’aider facilement les planteurs qui cultivent le cacao. Il faut qu’il sélectionne les bons planteurs et qu’il les soutienne ensuite pour cultiver le cacao au lieu de les aider uniquement financièrement. Pour moi c’est une erreur.

Quel est le rôle de la fermentation ?   

Le but de la fermentation est d'obtenir l’arôme du cacao en poudre. S'il n'est pas fermenté, vous n'obtiendrez jamais de bon arôme. Pourquoi certains planteurs ne fermentent-ils pas leur fèves ? Certains hommes d'affaires achètent en réalité ces fèves aux planteurs, cela encourage ces derniers à pratiquer des tarifs à moindre coût pour ces hommes d’affaires. Ils rachètent ensuite d’autres fèves fermentés plus chers, les mélange ensuite avec des fèves non fermentées moins chères et réussissent à obtenir ensuite un prix relativement bas sur le produit final. C'est simple : si l'industrie n'exige pas de fèves non fermentés, les planteurs fermenteront leurs fèves.

Pourquoi trinitario?

Criollo a l'arôme et la qualité, mais le rendement est inférieur. De l'autre côté, il y a le forastero : il a peu d'arôme, mais il est plus résistant aux maladies et possède un rendement plus haut. C'est pourquoi nous cultivons la fève trinitario : elle détient l'arôme du criollo et le haut rendement de productivité du forastero.

Quel est pour vous le plus grand challenge lié au développement durable ?

Le problème commence avec le sol. Ce n'est pas la récolte, ni la pratique, c'est le sol, car c'est de là où le cacaoyer tire les substances nutritives dont il a besoin pour se développer. Si ce sol a été vidé des microéléments, des habitants naturels et des insectes qu’il abrite, il ne pourra pas conserver d'eau et ne pourra pas absorber les substances nutritives correctement. C'est donc une des questions que le monde du cacao doit aujourd'hui se poser car personne n’accorde d’attention au sol et peu d'études ont été réalisées. Si vous vous renseignez, vous constaterez que même l'institut de recherches n’a pas fait d’études à ce sujet !

Si vous allez en Indonésie et peut-être même dans le monde entier, vous constaterez qu'à cause de l'utilisation incorrecte de pesticides et d’engrais chimiques, le sol se transforme en un bloc de ciment et ne peut alors retenir l'eau. Le sol a besoin d’air et d’absorber les substances nutritives. Ma proposition est donc la suivante : concentrez-vous d'abord sur le sol. C’est aussi l’une des raisons qui font que nous pratiquons la culture chaude et que nous insérons des microbes dans le sol pour améliorer et conserver les sols comme dans la jungle. Nous voulons ainsi le ramener à cet état. Seulement alors cela deviendra durable.

Comment cultiver une plantation saine ?

Il faut traiter le sol, dès le début. De la même manière que pour l’aquaculture: une des premières choses dont il faut s’occuper est l'eau. Cependant, la plupart des personnes ne se soucient pas du sol lorsqu’ils cultivent le cacao. Dans l’aquaculture, ils réalisent l’importance du traitement de l'eau car ils voient aux travers. Ce qui compose le sol ne se voit pas. Il se peut également que la plupart des personnes ne veulent pas y faire face, et c'est différent.

Qu’est-ce que l’origine Java a de spécial ?

Lorsque les températures se situent entre 19ºC Et 34ºC, il tombe environ 2000 mm/années de pluie et cela peut aller à 2800 mm/années. Sur la plupart des terrains de Java, à cause des volcans qu’elle abrite, le sol est volcanique. Cette île possède de bons terrains pour cultiver des produits et pas seulement le cacao.

Souhaitez-vous partager votre expérience vis-à-vis du cacao ?

Je peux vous dire que c'est beaucoup de travail. Je comprends maintenant pourquoi mon père a dû y investir autant d'efforts, et de temps quand il a commencé. Ce n'est pas simplement quelque chose que vous plantez et qui poussera facilement. Le cacao demande un entretien permanent.

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